De Tlatelolco à Ayotzinapa, rétrospective (De Tlatelolco a Ayotzinapa, retrospectiva)

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Aah les années 60, la coupe au bol des Beatles, les jupes à volant et les mouvements populaires. En ce qui concerne ces derniers, peu de pays échappent à la règle.

2 octobre 1968 : le Mexique connaît son Tian’anmen / printemps de Prague / Kent State shootings.

Dans le quartier de Tlatelolco, au nord de la capitale, un nombre indéterminé d’étudiants sont exécutés par la police et l’armée (1), apex sanglant des revendications universitaires et populaires de la population.

Ironie du sort : 40 000 Aztèques, guerriers et civils, y avaient déjà jadis été massacrés par les hommes de Hernán Cortez en 1521.

Ce second dénouement tragique de 1968 est l’illustration que la violence a été parfaitement calculée et désirée par le gouvernement de Gustavo Diaz Ordaz (2). Toutefois, son image de pater familia aimant mais surtout autoritaire en prend un sacré coup, et conduit à un changement de pouvoir, à savoir la main-mise du PAN sur le pays (3), et ce jusqu’à l’élection de Peña Nieto (PRI) en 2012.

À l’heure actuelle, il n’est toujours pas possible (voulu ?) de déterminer le nombre exact de morts, de blessés mais aussi de « disparus ». Le procès intenté en 2002 pour génocide envers l’ancien ministre de l’Intérieur de l’époque puis Président de la République Luis Alvarez, également responsable du massacre étudiant El Halconazo en 1971, a abouti à un non-lieu. Echeverría a notamment refusé durant l’audience de donner suite aux quelques 200 questions du tribunal spécial, invoquant son droit de non-réponse trololololol (4).

26 septembre 2014 : 43 étudiants de la Escuela Normal Rural de Ayotzinapa, établissement autogéré et ouvert aux plus pauvres pour la formation d’instituteurs, se volatilisent dans la ville d’Iguala, tandis que 7 autres sont tués, dont un à bout portant, par la police municipale. Les étudiants étaient venus réquisitionner des bus – conception communautaire des biens oblige – afin de se rendre aux commémorations de … Tlatelolco.

L’affaire provoque une indignation générale dans le pays. Sous la pression populaire, une enquête officielle est ouverte, puis, lorsque celle-ci est reconnue montée de toute pièce, une commission internationale indépendante est nommée. Le maire d’Iguala et sa femme, parente des Guerreros Unidos, un cartel local, s’enfuient, puis sont arrêtés, de même qu’une vingtaine de policiers.

Depuis, plusieurs fosses communes ont été découvertes, sans que jamais les restes ne puissent identifier formellement les 43 disparus. Un rapport gigantesque a été rédigé, sans qu’aucun responsable concret ne soit désigné.

Les Mexicains eux, n’oublient pas.

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Exposition “Lecciones del 68. Por qué no se olvida el 2 de octubre ?” cf note 6.

Car contrairement aux idées reçues (sombrero + sieste sous cactus), les Mexicains forment un peuple lucide et contestataire ; les manifestations sont chose courantes. La plus célèbre université du pays, la UNAM (Universidad Autonoma de México), est un haut lieu d’expériences communautaires et alternatives, régulièrement envahies par la police afin de frapper – au sens littéral du terme – les esprits indignés. Le ColMex (Colegio de México) possède ses propres éditions, d’excellente qualité, et ses conférences traitent de sujets particulièrement sensibles (les mouvements zapatistes ou l’identité indigène par exemple). L’ex mais non moins mystérieux commandant Marcos lui-même serait issu d’une université publique du pays.

Les actions populaires ne sont pas non plus en reste. N’oublions pas que le déclenchement de la Révolution de 1910 est du au soulèvement de paysans réduits à un quasi-état de servage. Le socialisme populaire mexicain est une doctrine dure, aussi dure que les circonstances qui ont contribué à son développement : elle peut aller jusqu’à prôner l’action directe, sinon la violence.

Les mouvements étudiants, parce que justement issus de l’université et des BU, s’appuient davantage sur une conception plus philosophique, celle du contrat social, c’est-à-dire, le droit de sanctionner son gouvernement en cas de non respect du bien-être d’un peuple qu’il est censé protéger (5).

Le Chiapas et ses guérilleros-poètes cagoulés, est le plus célèbre des territoires en lutte. Mais on trouve également l’État de Guerrero, où se situe notamment le fameux pueblito d’Ayotzinapa ; Guerrero a régulièrement fait parler de lui pour ses soulèvements populaires (Alianza Civiza Guerrerense, Acción Civica Guerrerense …), mais aussi pour les sévères répressions qui se sont ensuivies, tout comme au nord avec le Chihuahua (Movimiento de Acción Revolucionario). Récemment encore, l’État de Oaxaca, et en particulier sa capitale du même nom, dans le centre du pays, a connu une grève mémorable du corps enseignant, avec occupation des places publiques et affrontements avec les forces de l’ordre.

Qu’observe t-on de commun entre ces évènements, en particulier entre Tlatelolco et Ayotzinapa ?

– l’intervention systématique de l’armée dans le processus de répression.

– la campagne de dégradation du protestataire : avant le massacre de Tlatelolco, 80% de la population était convaincue que les mouvements étudiants étaient une conspiration de l’extérieur (États-Unis, URSS, et même l’Opus Dei !) (6). Les étudiants d’Ayotzinapa ont été décrits comme des anarchistes (7), voleurs des biens publics.

– l’absence de commémoration officielle : Tlatelolco, Ayotzinapa et cie sont célébrés chaque année, mais uniquement de manière individuelle par le corps citoyen, à travers des marches, des minutes de silence, et des offrandes.

– la lenteur judiciaire et administrative ; les familles de l’État de Guerrero en sont réduites à fouiller elles-mêmes la terre, au hasard, dans l’espoir fou de rencontrer les fosses communes où sont enterrés les manifestants assassinés (8).

– la collusion d’intérêts : Gustavo Diaz Ordaz a voulu que Tlatelolco incarne une démonstration de force et de stabilité du pouvoir durant les Jeux Olympiques de 1968 ; Ayotzinapa se situe à peu de kilomètres de mines d’or, dont les bénéfices juteux sont convoités aussi bien par les cartels que par le gouvernement local.

Pour Peña Nieto, reconnaître Tlatelolco, ce serait admettre Aytozinapa (ndlr : ça marche aussi dans l’autre sens). Or, condamner les crimes d’autrui, c’est déjà tenter de s’en distinguer. Se taire, et pire encore laisser faire, sinon les approuver, c’est tuer une deuxième fois.

Nota bene : en complément de lecture,  l’excellent article de Marco Appel (Proceso), lequel, à travers l’analyse du documentaire hollandais Gustavo Díaz Ordaz : Todo tiene un límite, dénonce la “tyrannie invisible” au Mexique.

(1) En ce qui nous concerne, nous retenons le chiffre du poète Octavio Paz dans son essai Posdata (1970) : 250 morts.

(2) Partido Revolucionario Institucional (PRI), fondé en 1929, supposé de gauche.

(3) Partido Accion Nacional (PAN), fondé en 1939, chrétien-centriste.

(4) Impávido, Echeverría escuchó las acusaciones sobre el 68, Jésus Aranda et Blanche Petrich, La Jornada, 3 juillet 2002.

(5) Cette idée est également très forte chez les zapatistes, mais développée plus avant : ici c’est à l’individu de se réapproprier le pouvoir, mais à l’échelle de sa communauté.

(6) « Lecciones del 68. Por qué no se olvida el 2 de octobre ? » exposition temporaire du Musée de la Mémoire et de la Tolérance, 26 septembre – 2 décembre 2015, México DF.

(7) De même que communiste ou même socialiste sont des insultes courantes aux E.U., être anar au Mexique, c’est pas folichon.

(8) Projet photographique « Tierraconmovida : Te buscaré hasta encontrarte » de François Pesant.

 

De Tlatelolco a Ayotzinapa, retrospectiva.

Aaah los años 60, el corte taza de los Beatles, las faldas volantes y los movimientos populares. Pocos países escapan de esta última moda.

2 de octubre 1968 : México tiene su Tian’anmen / Primavera de Praga / Kent State shootings.

En el distrito de Tlatelolco, al norte de la capital, un número indeterminado de estudiantes están ejecutados por la policía y el ejercito, apex sangriento de las reivindicaciones universitarias y populares de la población (1).

Ironía del destino : 40 000 Aztecas, guerreros y civiles, fueron masacrados por los hombres de Hernán Cortez en 1521.

Este segundo desenlace trágico de 1968 es el ejemplo que la violencia estuvo perfectamente calculada y deseada por el gobierno de Gustavo Diaz Ordaz (2). Sin embargo, su imagen de pater familia amoroso pero sobre todo autoritario se vuelve muy afectada, y conduce a un cambio del poder, a saber, el control del PAN sobre el país (3), hasta la elección de Peña Nieto (PRI) en 2012.

En este momento, todavía no es possible (deseado ?) determinar el número exacto de muertos, heridos pero también « desaparecidos ». El juicio entablado en 2002 por genocidio contra el ex Ministro del Interior de esta época – y después Presidente de la República – Luis Alvarez, también responsable del masacre estudiante El Halconazo en 1971, se acabó con un sobreseimiento. Echeverría se ha negado a responder durante la audiencia a las 200 preguntas del tribunal especial, invocando su derecho al silencio (no mames !) (4).

26 de septiembre de 2014 : 43 estudiantes de la Escuela Normal Rural de Ayotzinapa, instituto auto-gestionado y abierto a los pobres para la formación de maestros, se volatilizan en la ciudad de Iguala, mientras 7 están asesinados, cuyo uno a bocajarro, por la policía municipal. Los estudiantes venían a requisar autobuses – consecuencia lógica de concepción comunitaria de los bienes – para irse a las conmemoraciones de … Tlatelolco.

El caso provoca una indignación general en el país. Bajo la presión popular, una investigación oficial se abre ; pero cuando se reconoce que es un montaje, una comisión internacional la reemplace. El alcalde de Iguala y su esposa, pariente de los Guerreros Unidos, un cartel local, huyen, después son detenidos, igual que una veintena de policías.

Desde este evento, varias fosas comunes fueron descubiertos, pero los restos humanos nunca identificaron de manera formal los 43 desaparecidos. Un informe gigantesco fue redactado, sin designar ninguno responsable concreto.

Pero los Mexicanos no olvidan.

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Tlatelolco, Place des Trois Cultures (qui tire son nom de la triple identité mexicaine : pré-hispanique, espagnole et métissée), 2016.

Porque en contraste con los estereotipos (sombrero + siesta bajo del cactus), los Mexicanos forman un pueblo lucido y contestatario ; las marchas son comunes. La universidad más famosa del país, la UNAM (Universidad Autónoma de México), es un lugar importante de experiencias comunitarias y alternativas, regularmente invadida por la policía para golpear las mentes indignadas. El ColMex (Colegio de México), tiene sus propias ediciones, de excelente calidad, y sus conferencias tratan de temas particularmente sensibles (los movimientos zapatistas o la identidad indígena por ejemplo). El ex y misterioso Subcomandante Marcos podría ser un miembro de una universidad pública del pais.

También existe acciones populares. No se debe olvidar que el inicio de la Revolución de 1910 es debido al levantamiento de los campesinos. El socialismo popular mexicano me parece como una doctrina dura, tan dura como las circunstancias que contribuyeron a su desarrollo : puede recomendar la acción directa, sino la violencia.

Los movimientos estudiantes, porque justamente creciendo en la universidad y las bibliotecas, se apoyan sobre una concepción más filosófica, la del contrato social ; es decir, el derecho de sancionar su gobierno si no respeta el bien-estar del pueblo que debe proteger (5).

El Chiapas y sus guerilleros-poetas encapuchados, es el territorio más famoso para sus luchas. Igualmente se puede encontrar el Estado de Guerrero, donde se ubica el pueblito de Ayotzinapa ; Guerrero da que hablar con sus levantamientos populares (Alianza Civiza Guerrerense, Acción Civica Guerrerense …), pero también las represiones severas que siguen ; podríamos añadir a esta lista el Estado de Chihuahua (Movimiento de Acción Revolucionario) y más recientemente Michoacán. Hace poco, el Estado de Oaxaca también, y en particular su capital epónima, conoció una huelga memorable de los maestros, con la ocupación de las plazas publicas y enfrentamientos con los agentes del orden publico.

Cuales son las similitudes que se pueden observar entre estos eventos, especialmente entre Tlatelolco y Ayotzinapa ?

– la intervención sistemática del ejercito en el proceso de represión.

– la campana difamatoria del protestatorio : hasta el masacre de Tlatelolco, 80% de la población estaba convencida que los movimientos estudiantes eran una conspiración del exterior (Estados Unidos, Union Soviética, incluso el Opus Dei !) (6). Los estudiantes de Ayotzinapa estuvieron descritos como anarquistas (7), ladrones de bienes públicos.

– la ausencia de conmemoraciones oficiales : Tlatelolco, Ayotzinapa y cíe están celebrados cada año, pero únicamente de manera individual, por la comunidad ciudadana, con marchas, minutos de silencio, street art, y ofrendas.

– la lentitud judicial y administrativa ; las familias del Estado de Guerrero tienen que organizar solas excavaciones, sin ninguno apoyo material, en la esperanza loca encontrar las fosas comunes donde están enterrados los manifestantes asesinados (8).

– la colusión de intereses : Gustavo Diaz Ordaz quiso que Tlatelolco sea una demostración de fuerza y de estabilidad del poder durante los Juegos Olímpicos de 1968 ; Ayotzinapa se ubica a pocos kilómetros de minas de oro, cuales beneficios están codiciados tanto por los cartels que por el gobierno local.

Para Peña Nieto, reconocer Tlatelolco seria admitir Ayotzinapa (ndlr : funciona también en el otro sentido). Pues bien, condenar los crímenes de los demás, ya seria intentar distinguirse. Callarse, y peor aún, dejar hacer, sino aprobar, es matar una segunda vez.

Nota bene : como complemento de lectura, aquí el excelente artículo de Marco Appel (Proceso), quien, a través de la análisis del documental holandés Gustavo Díaz Ordaz : Todo tiene un límite, denuncia la « tiranía invisible » en México.

(1) Lo que retenemos es el número del poeta Octavio Paz en su ensayoPosdata (1970) : 250 muertos.

(2) Partido Revolucionario Institucional (PRI), fundido en 1929, supuestamente de izquierda.

(3) Partido Acción Nacional (PAN), fundido en 1939, cristiano-centrista.

(4) Impávido, Echeverría escuchó las acusaciones sobre el 68, Jésus Aranda y Blanche Petrich, La Jornada, 3 de julio de 2002.

(5) Esta idea esta un poco similar para los zapatistas, pero desarrollada de manera diferente : aquí se trata que el individuo se reaproprian el poder, pero al nivel de su comunidad.

(6) « Lecciones del 68. Por qué no se olvida el 2 de octobre ? » expo temporal al Museo de la Memoria y de la Tolerancia, 26 de septiembre – 2 de diciembre de 2015, México DF.

(7) Igual que « comunista » o « socialista » son insultos comunes en Estados Unidos, ser anarquista en México no es la panacea.

(8) Proyecto de fotografia « Tierraconmovida : Te buscaré hasta encontrarte » de François Pesant.

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